« Encore assez méconnue en France, la supply chain peut faire gagner, aux entreprises, des points en performance grâce à une bonne réorganisation »
La Semaine internationale du transport et de la logistique (SITL) ouvrira ses portes du 1er au 3 avril 2025, à Paris Expo – Porte de Versailles. À cette occasion, ViPress Mesure a rencontré Laurence Gaborieau, directrice de la division Transport & Logistique, Supply Chain et Tourisme chez RX Global, pour échanger sur les grandes tendances du secteur et les temps forts de la prochaine édition de la SITL.
Propos recueillis par Cédric Lardière
ViPress Mesure. Dans le contexte économique et géopolitique actuel, comment se présente le marché du transport et de la logistique en France ?

Laurence Gaborieau, directrice de la division Transport & Logistique, Supply Chain et Tourisme chez RX Global, : « Face aux grands défis réglementaires, géopolitiques, etc., l’écosystème du transport et de la logistique ne peut plus penser en silos. Les plus belles réussites sont celles qui ont été co-construites. »
Laurence Gaborieau. Les grandes tendances du marché sont le reflet de l’économie. Le climat des affaires s’est un peu détérioré depuis l’été 2024 dans le transport routier de marchandises, qui connaît un recul de la demande et, même, des difficultés pour anticiper les commandes. Le marché enregistre également une augmentation des défaillances d’entreprises. C’est le reflet de l’activité, mais aussi, parfois, en lien avec les remboursements du PGE, qui pèsent encore sur les finances des entreprises après la pandémie de Covid-19. Le marché du transport et de la logistique a toujours été un secteur qui embauchait beaucoup, même s’il avait du mal à trouver des profils – l’année dernière, 200 000 postes étaient à pourvoir – , mais pour la première fois, nous enregistrons aujourd’hui une baisse du nombre des postes à recruter. L’activité générale de la logistique, elle, est aussi en recul – elle a chuté de 2 % en volume par rapport à l’année dernière – et cela s’inscrit dans un contexte international instable, mais encore plus instable aujourd’hui, avec les tensions géopolitiques, les guerres, les menaces protectionnistes entre la Chine et les États-Unis, que l’année dernière.
ViPress Mesure. Dans un tel contexte, comment s’annonce la prochaine édition de la Semaine internationale du transport et de la logistique (SITL), qui se déroulera du 1er au 3 avril 2025, à Paris Expo – Porte de Versailles ?
Laurence Gaborieau. Nous avions déjà entièrement repensé l’édition 2024 pour essayer de répondre aux défis de la profession. C’est ainsi que les visiteurs vont retrouver, cette année, le Campus qui est un espace dédié à l’attractivité et la valorisation de la filière, ainsi qu’aux besoins des ressources humaines (offres d’emploi digitales, CVthèque digitale, sessions de jobs dating avec France Travail et ateliers organisés par des partenaires). Auparavant, un salon était un lieu de mise en relation pour faire du business. Aujourd’hui, un salon essaie, en plus, d’accompagner les acteurs à combler leurs difficultés telles que l’attractivité de la filière. Après la pandémie de Covid-19, durant laquelle le transport et la logistique ont été très appréciés par le grand public, le secteur est redevenu une filière un peu mal aimée, méconnue, dont l’image doit être redorée. Autre nouveauté créée l’année dernière, le Métamorphose Center est un espace de près de 2 000 m2 installé au cœur du salon et conçu pour être une plate-forme concentrant l’innovation, la collaboration et le networking pour accompagner la transformation de l’ensemble de la filière. Si le fil rouge 2024 était « Les voies du changement », celui de l’édition 2025 est « Connectons nos intelligences ». Face aux grands défis réglementaires, géopolitiques, etc., l’écosystème du transport et de la logistique ne peut plus penser en silos. Les entreprises, mêmes concurrentes, doivent donc apprendre à travailler ensemble pour être capables de co-construire des solutions concrètes, de s’armer face aux grands défis actuels. Le message que l’on souhaite faire passer est que les plus belles réussites sont celles qui ont été co-construites (chargeur avec ses fournisseurs, chargeur, transporteurs et collectivité locale). Un autre exemple d’intelligence collective est la Tech-Xploration. Des experts et des visiteurs spécialisés dans sept thématiques (l’entrepôt du futur, le transport et la logistique à température dirigée, les TMS, la multimodalité…) vont détecter des tendances et des innovations lors de leur déambulation sur le salon le matin, puis croiser leurs informations l’après-midi.
ViPress Mesure. Les visiteurs auront-ils l’occasion de découvrir de nouveaux temps forts lors de l’édition 2025 ?
© Cédric Lardière
Laurence Gaborieau. Toujours dans le domaine de l’intelligence collective, le CoLab sera le lieu où des discussions seront menées, en privé au sein du Morphy’s Bar, par des dirigeants et des influenceurs au niveau national et international pour résoudre des problématiques sujettes à controverse. En partenariat avec l’armée qui cherche à externaliser une partie de sa logistique, j’ai également monté un séminaire sur la logistique militaire, qui se tiendra à Balard, en parallèle de la SITL, et la conférence « Regards croisés des logistiques civiles et militaires » qui aura lieu sur le salon. Par ailleurs, nous lançons le Cold Chain by Selfi », en partenariat avec le Salon européen de la logistique froid innovation (Selfi), avec des conférences dédiées, sur l’espace, et des conférences au sein du programme général (« Quelles stratégies les entreprises du transport et de la logistique en température dirigée peuvent-elles déployer pour préserver leur rentabilité ? », « Pourquoi l’e-commerce alimentaire aiguise-t-il tant d’appétits dans la filière ? », « Quel héritage les JOP 2024 ont-ils laissé dans la Cité ? »). Nous souhaitons en effet accroître la présence de la chaîne du froid sur la SITL au travers, déjà, de la sécurité alimentaire et médicale. Parmi les autres nouveautés préparées pour l’édition 2025, nous proposerons les baromètres sur le transport routier et sur les douanes, en plus du baromètre sur le maritime, et nous avons repensé l’organisation de la cérémonie des Innovations Awards des exposants et des start-up (voir encadré). En plus de la préparation d’un programme spécifique pour attirer les chargeurs gros consommateurs de transport et de logistique, nous avons aussi fait un gros travail pour avoir une participation plus active des collectivités locales et pour faire venir des visiteurs internationaux (plutôt de pays européens). Du côté des exposants, le pourcentage d’internationaux devrait augmenter à 22 %, avec la venue de nouveaux pays tels que la Chine, même si les pays européens sont les mieux représentés sur le salon. S’il fut un temps où la SITL était reconnue au niveau européen, le salon a perdu sa partie internationale. Je souhaite toutefois que la SITL retrouve son aura et son développement international, parce que le transport et la logistique ne s’arrêtent pas aux frontières.
ViPress Mesure. Pouvez-vous rappeler les principaux thèmes abordés, cette année, à la Semaine internationale du transport et de la logistique ?
© Thierry Foulon
Laurence Gaborieau. La centaine de conférences aborderont aussi bien la décarbonation du secteur (économie circulaire, multimodalité, RSE), la transformation digitale, l’aménagement des territoires, la logistique urbaine et la réindustrialisation, l’intelligence artificielle (IA),la réorganisation de la supply chain et de l’automatisation, la valorisation de la filière, etc. S’il y a un secteur où l’IA est « partout » (automatisation, robotisation…), c’est bien celui du transport et de la logistique, qui se caractérise par la gestion de flux. Quand la supply chain se réorganise et se digitalise, toute la méthodologie de la vie d’un produit est revue et la supply chain impose une réorganisation totale de l’entreprise (de la production jusqu’à la gestion des déchets qui deviennent une manne financière). On source différemment pour prendre en compte le contexte géopolitique ou l’augmentation de taxes douanières protectionnistes, par exemple. Encore assez méconnue en France, la supply chain peut faire gagner, aux entreprises, des points en performance grâce à une bonne réorganisation.