Keysight Technologies dévoile sa vision pour la 6G en 2025
Roger Nichols, directeur du programme 6G de l’Américain Keysight Technologies, partage ses prévisions pour l’année 2025 en matière de 6G. Ce premier article répertorie les technologies « habilitantes » de cette technologie, qui auront un impact majeur sur le secteur cette année.
Article adapté par Cédric Lardière
Les travaux sur la technologie 6G restent, aujourd’hui, axés sur la recherche, mais ils passeront à l’étape de développement au cours des deux prochaines années. Le secteur s’est aligné sur le calendrier de la première norme applicable à la 6G, qui doit être achevée au plus tôt en mars 2029. Il y a donc encore du chemin à parcourir.
La liste des technologies « habilitantes » de la 6G, qui avaient beaucoup fait parler il y a quelques années, a progressivement été écourtée. De la même manière, il est fortement possible que la liste des technologies les plus populaires de 2025 évoluera à mesure que la recherche, les premiers développements et les premiers essais prouveront et, dans certains cas, réfuteront la viabilité d’une technologie. Nous nous intéressons, dans ce premier article, aux quelques technologies ayant une forte probabilité de tenir leur rang.
- Les systèmes radio mobiles terrestres 7-16 GHz
La technologie sans fil repose avant tout sur la disponibilité du spectre. La croissance de la consommation de données et de la connectivité sans fil a entraîné, et continuera d’entraîner, une demande croissante de spectre. Pour un opérateur mobile, le scénario idéal – dans certains cas, le seul acceptable – est de disposer d’un usage exclusif du spectre dans ses zones géographiques d’opération, spectre sur lequel il peut transmettre des niveaux de puissance radio suffisamment élevés pour maintenir un réseau à haute capacité et à haute fiabilité.
L’augmentation de la demande de capacité a conduit à explorer la réaffectation du spectre radioélectrique entre 7 et 24 GHz, avec une attention particulière pour les fréquences entre 7 et 16 GHz. Cette bande spectrale est utilisée de manière significative pour la radionavigation, la radiolocalisation et les applications satellitaires. Cette situation est compliquée par l’utilisation intensive et exclusive de cette bande par les agences fédérales du monde entier (en particulier pour la défense).
En outre, ces fréquences plus élevées présentent une perte de propagation radio accrue par rapport aux fréquences comprises entre 3 et 5 GHz. Ces dernières sont utilisées dans la 5G, mais comporte leurs propres défis technologiques en raison d’un affaiblissement plus important que les fréquences plus basses qui sont si largement utilisées dans la 4G (la plupart en dessous de 2,5 GHz). Pour que le sans-fil mobile fonctionne entre 7 et 16 GHz, il convient d’envisager sérieusement la manière dont une partie du spectre peut être partagée. Les mécanismes de partage impliquent à la fois des politiques et des technologies complexes, c’est la raison pour laquelle les deux font l’objet d’une attention particulière.
Même si une partie de cette bande est réservée à l’usage exclusif du sans-fil commercial, la perte de propagation supplémentaire entraîne un travail technologique important. La solution la plus évidente au problème de la diminution du rapport signal/bruit au niveau du récepteur consiste à réduire la taille des cellules. Toutefois, cette solution n’est pas financièrement réalisable pour les opérateurs mobiles en raison des coûts d’acquisition des sites et du défi que représente l’ajout d’une interconnexion de liaison très dense à un plus grand nombre de cellules. Il est donc essentiel d’étudier comment surmonter ces problèmes avec des systèmes radio et d’antennes intégrés avancés (voir « La MIMO de la prochaine génération »).
- L’intelligence artificielle (IA)
La forme d’IA connue sous le nom de Machine Learning (ML), ou apprentissage automatique, est très populaire en raison de l’avènement de puissants modèles de grands langages (LLM) destinés au grand public. Mais les ingénieurs en télécommunications explorent des types de modèles très différents. Alors que les LLM sont formés à la réponse au langage humain à partir de vastes quantités d’échanges sur le web, le secteur de la téléphonie mobile développe l’IA pour optimiser les performances des réseaux, traiter les complexités de la gestion des faisceaux radio, optimiser la conception des circuits, faciliter des flux de trafic plus efficaces et réduire la consommation d’énergie globale.
Rien de tout cela n’utilise des LLM, mais plutôt des modèles d’apprentissage automatique formés sur des données techniques provenant de réseaux, de circuits et, même, de données synthétisées à partir d’outils de simulation et d’émulation. Les principaux défis techniques sont liés à la nécessité de garantir un modèle fiable qui surpasse régulièrement les moyens conventionnels. Ils peuvent être résumés de la manière suivante : comment développer, affiner et entraîner le modèle – cela nécessite de disposer de grandes quantités de données fiables pour les développeurs – ? ; comment valider que le modèle fonctionne dans la grande majorité des circonstances ?
- La MIMO de la prochaine génération
La technologie MIMO (Multiple In/Multiple Out) a été développée pour tirer parti du fait que les ondes radio peuvent emprunter plusieurs chemins entre l’émetteur et le récepteur (par exemple, un chemin direct, un ou plusieurs chemins réfléchis). Avant la technologie MIMO, les trajets multiples posaient un problème pour les communications radio et provoquaient des interférences par trajets multiples – certains se souviennent d’une « image fantôme » sur leur téléviseur lorsque le seul accès était un système de radiodiffusion à base d’antennes.
La technologie MIMO dans le domaine des communications cellulaires en est maintenant à sa quatrième génération. Ses dernières démonstrations ont été nécessaires pour surmonter l’augmentation des pertes dans le spectre de 3,5 GHz alloué à la 5G. L’approche fondamentale consiste en deux étapes : utiliser de nombreux éléments d’antenne et un traitement numérique des signaux (DSP) complexe, afin que les éléments d’antenne travaillent ensemble pour améliorer le rapport signal/bruit effectif au niveau du récepteur, et mesurer en permanence l’état du canal radio entre l’émetteur et le récepteur – les canaux mobiles sont en constante évolution – , afin que le DSP gère en permanence la manière dont les multiples éléments d’antenne sont utilisés pour surmonter l’évolution constante du canal.
La migration vers la bande 7-16 GHz, tout en gardant la même taille de cellule (par exemple, en gardant la même distance maximale entre l’émission et la réception qu’avec la bande 3,5 GHz), implique encore plus de complexité technique dans le système MIMO : plus d’éléments d’antenne, même distribués, et un DSP plus puissant. Il s’agit là d’un excellent moyen de tirer parti de l’apprentissage automatique, compte tenu de la complexité de ce qui est requis.
- L’Open RAN
Le Radio Access Network (RAN) est le terme utilisé pour désigner le réseau de stations de base radio nécessaires pour assurer l’interface avec l’équipement utilisateur mobile (par exemple, les smartphones). Avant la 5G, le RAN était une architecture fermée, chaque grand fabricant d’équipements réseaux ayant sa propre approche. Cependant, l’idée de virtualiser les parties numériques du RAN (les entités logicielles fonctionnant sur des serveurs polyvalents haute performance) a poussé l’industrie à travailler pour normaliser la désagrégation résultante (unité radio, unité numérique, unité centralisée) et pour normaliser les interfaces entre ces composants architecturaux.
Cette approche Open RAN a débouché sur de nouveaux concepts, notamment des contrôleurs « intelligents » du RAN (RAN Intelligent Controller ou RIC), dans lesquels l’apprentissage automatique est déjà utilisé dans une certaine mesure. L’Open RAN (et d’autres normes ouvertes) est considéré par beaucoup comme une étape nécessaire pour la 6G et, par conséquent, d’autres travaux sont en cours pour faire avancer les concepts vers une nouvelle phase.