Le système d’imagerie basé sur la technologie LIBS révèle l’invisible
Avec le développement de son microscope LIBS (spectroscopie sur plasma induit par laser) Ablascan, assisté par l’intelligence artificielle (IA), le Français Ablatom ambitionne de démocratiser la microscopie élémentaire dans les laboratoires et les industriels.
Dans le domaine de l’analyse élémentaire, la spectroscopie sur plasma induit par laser (Laser Induced Beakdown Spectroscopy ou LIBS) s’est fait une place, ces dernières années, à côté d’autres technologies telles que la spectroscopie d’émission optique (Optical Emission Spectroscopy ou OES). C’est ainsi que l’on trouve, aujourd’hui, sur le marché, des instruments de laboratoire, des appareils portables et des systèmes en ligne utilisant la technologie LIBS.
La jeune société villeurbannaise Ablatom vient de franchir une nouvelle étape dans son développement avec le lancement d’Ablascan, le premier microscope du marché basé sur cette technologie, un développement mondial même puisque le nouveau système s’est fait remarqué lors de l’édition 2025 du salon Consumer Electronic Show (CES), qui s’est déroulé du 7 au 10 janvier dernier à Las Vegas (États-Unis).
Remontons le temps de quelques années. « Dans le cadre de mon travail de chargé d’études, j’avais eu l’occasion d’identifier le potentiel de la technologie LIBS, qui n’était toutefois pas exploité à son plein potentiel. C’est avec cette volonté que Vincent Motto-Ros, maître de conférence à l’Institut Lumière Matière (ILM) de Lyon, et moi-même avons créé Ablatom en 2017 », rappelle Florian Trichard, cofondateur et président de la société.
Cette dernière a une double activité, à savoir la réalisation de prestations de services, grâce à un laboratoire interne, et l’intégration de solutions sur mesure pour les analyses élémentaires en laboratoire et sur ligne de procédé. « Le déploiement de la technologie sur les marchés et la reconnaissance comme technique analytique passent par la personnalisation des systèmes de LIBS, estime Florian Trichard. Nous partons du besoin client et nous adaptons la méthode pour obtenir une solution de type “presse-bouton” pour l’utilisateur. C’est ce que nous appelons le concept de Plug & Play. »
Imagerie chimique de la surface des matériaux
Le système Ablascan intègre un microscope optique classique qui permet de focaliser le faisceau laser afin d’atteindre des résolutions micrométriques – on parle de micro-LIBS. « On “tire” sur une surface de seulement quelques micromètres carrés du matériau à analyser, ce qui est un gain important en résolution spatiale par rapport aux analyseurs portables. Le “tir” produit un plasma et on collecte ensuite la lumière. Ce processus repose sur des phénomènes physiques extrêmement complexes (plasma, interaction laser-matière…) et peu maîtrisés, une mauvaise interprétation de la mesure pouvant arriver », explique Florian Trichard.
Le travail de R&D mené depuis plus de 15 ans avec le partenaire qui est l’ILM a permis rendre d’améliorer significativement les performances de la technologie LIBS d’Ablatom en la rendant plus robuste, plus répétable, plus fiable, plus sensible (meilleures limites de détection et de quantification). La société dispose d’ailleurs de deux brevets technologies portant, notamment, sur la maîtrise des paramètres physiques de la mesure.
« C’est cette maîtrise des paramètres qui permet à l’Ablascan de faire de l’imagerie chimique (ou cartographie, mapping) de la surface des matériaux, une révolution sur le marché », affirme Florian Trichard. Une fois l’échantillon posé dans l’instrument, on règle le focus du microscope optique et on définit une zone d’intérêt à la surface du matériau. Au lieu de faire une mesure locale comme avec un pistolet, le système scanne la surface avec le faisceau laser de quelques microns de diamètre à une vitesse de plus de 1 000 points par seconde, soit 10 à 100 fois plus vite que la LIBS conventionnelle.
L’Ablascan mesure ainsi les raies d’émission des atomes pour les identifier spectralement avec leurs longueurs d’onde, les localiser et les quantifier en fonction de leur intensité. Le microscope LIBS reconstruit en effet la distribution des éléments chimiques des atomes constitutifs de la surface, ce qui permet de révéler tous les matériaux stratégiques, comme le cuivre, le lithium et le silicium, qu’il peut avoir dans une carotte minière, par exemple.
« Grâce à notre équipe d’experts en intelligence artificielle (IA) et en apprentissage automatique (machine learning), nous allons au-delà de ces informations traditionnelles en fournissant des traitements de données avancés. Ces derniers rendent la technologie LIBS accessible mêmes aux personnes n’étant ni chimistes, ni physiciens, ni experts en traitement de données, ils permettent de créer des bases de données et des algorithmes pour identifier rapidement et automatiquement des matériaux », poursuit Florian Trichard.
Analyser plus vite des échantillons plus grands
Comme, par exemple, dans le domaine du recyclage pour l’identification des terres rares, des métaux critiques, du lithium, etc. L’Ablascan couvre en effet tout le tableau périodique des éléments chimiques, contrairement à d’autres techniques comme la micro-spectroscopie de fluorescence des rayons X (XRF), qui est très limitée sur les éléments légers comme le lithium ou le carbone, ainsi qu’un large panel de matériaux (conducteurs, non conducteurs comme les polymères – d’autres techniques requièrent la métallisation de la surface – , transparents ou sombres), excepté les matériaux extrêmement mous.
Parmi les autres avantages du microscope LIBS français, Florian Trichard met en avant la vitesse d’analyse chimique jusqu’à 1 million de mesures chimiques en seulement 15 min, contre une durée comprise entre 3 et 15 h avec les techniques conventionnelles, et ce même sur de grandes surfaces. L’Ablascan peut en effet scanner des surfaces jusqu’à 200 cm2 en une seule séquence, tout en garantissant une résolution micrométrique, dans les conditions ambiantes de température et de pression.
« On s’affranchit ainsi de toutes les étapes de préparations (couper un échantillon, par exemple), d’attente de la stabilisation du vide contrairement à la microscopie électronique, etc. Il y a aussi certains matériaux qui ne tiennent pas au vide. Nous ouvrons donc l’accès à de nouveaux types d’analyses, un nouveau champ d’exploration », ajoute Florian Trichard. Une des seules limitations réside dans l’impossible de focaliser le faisceau laser à des échelles nanométriques en raison, justement, du fonctionnement dans des conditions ambiantes.
Que ce soit dans les domaines du recyclage, du nucléaire, des géosciences, du développement des matériaux de demain en microélectronique et dans les batteries, le microscope LIBS Ablascan représente un outil « révolutionnaire » pour les laboratoires en élargissant les champs d’exploration scientifique et pour les industriels en rendant accessibles, directement sur site, des analyses avancées.